dimanche 30 septembre 2012

Alain Resnais: Vous n'avez encore rien vu...

« Vous n'avez encore rien vu » Ce titre de bonimenteur de foire vous appelle comme un aimant. On se laisse aller en amant subjugué, par cette histoire de regard, qui erre des mythes grecques jusqu'à la représentation filmée d'une pièce de Jean Anouilh  « Eurydice » ( auteur que l'on dit suranné) par une jeune troupe . Le prétexte: l'annonce à une « famille » de comédiens, (celle qui a accompagné Alain Resnais dans sa longue carrière de metteur en scène), de la mort... de celui qui les a fait jouer. Prévenus chacun brutalement par téléphone, comme les 3 coups qui autrefois précèdaient le lever du rideaux rouge, ils vont se retrouver dans la dernière maison de l'écrivain sous la houlette d'un majordome luciférien. Celui ci les invite à donner leur avis sur le talent de ces jeunes acteurs. Le lieu, le sujet, tout est là pour nous faire entrer par des miroirs subtils dans une sorte de grand vertige que le sourire tendre d'Alain Resnais borde, un peu comme une mère qui accompagne son enfant dans le sommeil, d' un conte horrible, ou il se reconnaît à la fois lui... et autre. Vertige dont il ne peut se sortir qu'en s'appaisant dans le sommeil pour renaître, tel l'oiseau phényx ,au mâtin dans la pleinitude de ses sens et de son action... La confrontation de ces générations d'acteurs est une leçon de théâtre à ciel ouvert; peu importe le sujet... peu importe l'âge... seul l'amour du théâtre les emporte...et tel le poème, la jeune troupe semble dire « Ce sont des gens qui s'aiment Qui sont passés ici. Ce ne sont plus les mêmes. Passerons nous ainsi? Et de cette interrogation « Mais enfin, répondez moi, sacrebleu! Où est Orphée? la merveilleuse dernière réplique de la pièce: montrant le couple enlacé qu'il ne voit pas, Monsieur Henri répond: « Orphée est avec Eurydice, enfin! » Cette pirouette qui ouvre toujours l'espoir de l'insoutenable légèreté de la vie qui s'échappe et rebondit:une image d'un jeune homme de 90 ans: Alain Resnais...

dimanche 9 septembre 2012

Le centaure et l'animal Bartabas et Ko Murobushi

Le Centaure et l'animal. Bartabas et Ko Murobishi du 8 au 22 septembre à la MC93 de Bobigny « Le tout est dans le tout » se confronter à lui n'est pas chose si facile...Bartabas aime les défis et la rencontre avec Ko Murobishi maître d'un butô « douloureux et violent » est une gageure. Comment réunir dans un même espace, dans un même temps, le travail sur le corps du Butô et le travail de l'homme et de son cheval ? Chacun sculpte son travail dans le vide... mais il y a une sorte de disproportion due à la mise en scène : l' homme à cheval(le centaure) se meut d'une façon ascensionnelle. L'homme du Butô retrouve son animalité... un croisement....mais juste à l'avant de la scène, cette position fait que parfois le public perd quelque chose du dialogue. La scène est vide argentée, sur un piano de côté, immobile le petit homme foetal va s'animer sur des paroles du chant de Maldoror. La pénombre oblige le regard du spectateur et son oreille à se foccaliser sur le moindre mouvement. Le rêve cauchemardesque de ce petit cheval monté par un cavalier sans visage et sans mains qui passe et repasse se jouant des volutes de son suaire gris comme Loic Fuller précurseur de la danse moderne qui la première a compris le rôle de la lumière... Bartabas est un homme d'images . Elles vont s'enchainer comme un trait indestructible dans l'éphémère; parfois un peu répétitives tel un voyage imaginaire reproduisant le lent travail d'approche de l'homme et du cheval... Cocteau est présent dans cet homme à tête de cheval dont la main calme l'intranquillité...Delacroix aussi dans la fusion vigoureuse du contemplant et du contemplé... Mais ce qui me semble à moi étourdissant c'est l'art équestre qui prend tout à coup possession de l'espace non pas dans son étendue mais dans la concentration partagée de l'homme et du cheval subjugué l'un par l'autre...  Le rassembler ... terme de la technique équestre (provoquer la mise en tension musculaire soit sur place, ou en marche sans produire d'accroissement de vitesse) donnant juste la cadence... ce terme désigne parfois lors d'un concerto le moment ou le soliste écrit sa propre variation sur le thème...C'est le moment poètique par excellence ou refusant le spectaculaire le centaure inaccessible déploie la plus haute séduction.

samedi 1 septembre 2012