dimanche 7 juin 2009

"Au bois dormant "Thierry Thieu Niang et Marie Deplechin

Au bois dormant
La scène est vide,grise.
Trois silhouettes sont accroupies posées en attente dans le fond à gauche. La salle se remplit. Lumière.
Benjamin Dupé rejoint sa guitare,Marie Deplechin son texte, ils vont accompagner Thierry Thieû Niang dans une création à 3 voix qui parle du monde de l'autisme.
Thierry compose d'abord dans le silence une suite de mouvements,
de ceux que notre interprétation juge immédiatement comme appartenant à un monde différent: peu de verticalité, le corps est le plus souvent abandonné au sol comme cassé , cassé aussi dans les airs dans des sauts tumultueux, cassé dans son rythme. Là une main tremble remplaçant le regard dans une palpation de l'air. Un pied se fixe dans une discordance .Le corps s'étire, une courbe projette le regard en haut et en arrière, bien en arrière.
L'harmonie est là mais autre dans l' équilibre abstrait de la différence.
Le texte de Marie Deplechin nait de la rencontre du danseur avec quatre adolescents autistes
«Quand rien ne vient de la parole, il vient toujours quelque chose du corps...des gestes il en arrive de partout. Des gestes qui mettent en vie le corps. Jamais je n'ai vu d'aussi beaux gestes: gestes nerveux lignes claires ou mouvements brisés...
Elle analyse simplement son effroi devant toutes ces portes fermées qui ne s'ouvrent qu'un instant à l'autre «objectivement ce n'est pas grand chose mais quel bouleversement ce pas grand chose  »
Elle parle des gouffres, des donjons, du Danube, comme une géographe qui resterait en dehors de ce qu'elle voit dans une attente insatiable et insatisfaite. Elle parle de contes, de ceux qui nous ont laissé le plus cette curieuse sensation de vide :Hanse et Gretel ou la Reine des neiges.
Elle nous parle de la seule clef qui lui est donnée celle du rêve et de l'éclat de temps pour entrevoir ce monde de la répétition et de la durée .
Le noir se fait sur un très beau pas de deux tout en décalé qui reprend dans un rythme plus joyeux l'ouverture . Les spectateurs ont du mal à se lever comme un hommage au travail...

2 commentaires:

Laure K. a dit…

émouvante lecture de cette "pièce" ... la seule clef pour ouvrir, comprendre appréhender la différence, peut-être celle des rêves, oui, mais est-elle suffisante pour expérimenter l' au-delà de nous ? l' au delà de nos propres fonctionnements que l' on croit commun à l' ensemble, et qui ne l' est pas, evidemment.

Même en ayant la certitude de la différence comment rentre-t-on dans l' ailleurs si ce n' est peut être, comme cette oeuvre semble le soumettre par l' émotion du geste ?

laurence a dit…

Je suis retournée voir...
Cette fois ci Martin,François était dans la salle,spectateurs,terriblement bruyants et soudainement silencieux pendant la représentation ,ponctuant de temps en temps un saut ou plustot une posture avec une sorte d'à propos, d'évidence...
Le rêve, c'est cette maman qui marche et qui tous les jours va à Maison Blanche dans le secteur fermé et qui ne pense à rien et qui va se mettre à rêver de tout ce qui se trouve à l'intérieur de cet humain-forteresse",son enfant. C'est aussi devant son impuissance de mots et de gestes (que les médecins essayent de lui faire "comprendre" comme déplacés,pas adaptés) le rêve d'être à la fois Thierry, "le corps touchant et le corps touché" qui lui en tant que psychomotricien se sert d'un corps à corps pour parler à ces enfants parfois même en jouant à s'opposer à leurs gestes répétitifs ...Le texte est magnifique dans sa simple évidence...