Pourquoi la vision d' « Un prophète », le film de Jacques Audiard m'a immédiatement fait revenir en mémoire « Le Pierrot lunaire » de Schoenberg.
Oui, pourquoi?
Parce que ces deux auteurs ont la volonté de créer chacun, un personnage et une musique qui "invente sa vie contre le monde".
Sans doute me direz vous c'est un peu tiré par les cheveux... mais apparemment c'est le moindre mal dans une prison...
Malik, qui vient d'un foyer et qui a probablement déjà connu la prison adolescent, passe en centrale, pour une détention de six ans. Dans ce milieu carcéral, il va se construire en tant qu' adulte, un voyage « initiatique » en quelque sorte.
« Le Pierrot lunaire évoque les fantasmes amoureux, sexuels et religieux d'un jeune homme qui plonge dans un monde cauchemardesque ou il se livre au pillage et au blasphème, enfin, il retourne chez lui, hanté par la nostalgie ...mi pantin muet, mi être sensible, il représente l'évolution d'un homme qui au départ doute de lui même... »
Sur un ton légèrement satirique et onirique mais qui reste très expressionniste, sont traités les sentiments de violence , de souffrance, d'angoisse, de nostalgie, de morbidité, d'errance...
La structure de l'œuvre est très précise: 21 pièces courtes en 3 volets de 7 poèmes .
Un prophète, est découpé en épisodes rapides. Malik sort de l'enceinte, en permission, pour « s'insérer » dit il.
On pourrait même distinguer dans son évolution, 3 volets: l'acceptation de la protection, l'observation et l'étude, le changement du rapport de force.
« Construit autour d'un duo le film fait vivre une société d'hommes »
Schoenberg a voulu pour ses instruments une grande variété formelle.
Ceux ci sont placés différemment dans chaque partie avec une recherche très centrée sur les duos et sur la reconnaissance précise d'une métaphore auditive: les violons s'envolent comme des oiseaux, les flutes et les clarinettes s'insinuent comme des serpents... »
La première sortie de Malik est simplement un moment auditif, il entend les oiseaux... de même que sa pénétration dans la prison est signifiée par des bruits discordants: des cris et des bruits de porte se frayent un chemin dans l'obscurité…
Les duos, avec le protecteur (Niels Arestrup, qui trouve dans l'évocation de César Luciani, une sobriété corporelle d'une grande efficacité) face à ce jeune homme: Malik, (que joue avec beaucoup de perspicacité: Tahar Rahim), presque silencieux, toujours filmé( je dirai même photographié) en plongée ce qui accroit l'impression de sa soumission et de sa réflexion.
Ces duos sont d'une élégante évolution: perspectives et demandes insensées et choquantes dont Malik va progressivement triompher.
Le ton est suspendu, presque aérien et parfois étonnement bas: quelque part dans le mitard et la solitude... toujours étrange, entre le corporel (on se déplace beaucoup dans cet univers concentrationnaire) et l'échange chuchoté, sans aucun contact des regards ...comme cette voix du Pierrot lunaire qui va chercher entre le parler et le chanter, des sons gutturales et railleurs et des notes hautes, si hautes... recherche auditive de « l'extrême et de la cruauté » comme dirait Artaud.
dimanche 6 septembre 2009
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6 commentaires:
je vais aller le voir
tilk
Bonjour Laurence,
Hors sujet, avez-vous eu l'occasion de regarder sur arte Les 4 saisons chorégraphiées, programmées hier soir (06 09 2009 )? En podcast peur-être?
Baltha j' ai qq pbmes avec la télévision...mais je regarderai en post cast ce soir ...merci de me l'avoir signalé laurence
>Laurence,
Alors sur ordi :
http://plus7.arte.tv/fr/1697660,CmC=2825078,scheduleId=2799314.html
J'ai beaucoup aimé...
Dérouler le fil de ce qui n'a été sans doute qu'un flash au départ.
Tenter par nécessité.
Pousser le travail.
Il y a une prise de risque (que je salue) à creuser, à continuer ensuite le parallèle.
Je n'ai pas vu le film; mais Le Pierrot lunaire...
(sourire extatique, yeux légèrement perdus...).
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